Le 21 juin dernier, la délégation formation et compétences de la CCI de Paris organisait une matinée autour du thème : “Génération Y : nouvelle génération, nouvelle organisation ?” L’occasion de revenir sur les questions que se posent les professionnels RH autour de cette génération.
La génération Y ? « Elle se caractérise par une appétence pour les technologies de l’information et de la communication, le réseau, l’instantanéité ou encore son fort quotient émotionnel, lance Julien Pouget, consultant, formateur et auteur d’un ouvrage sur le sujet. La génération Y est connectée, multitâche, globale, mondialisée, mobile et adaptable… » Une enquête menée par la CCIP vient compléter ce tableau : impatiente, ambitieuse, exigeante, zappeuse, en attente d’équilibre vie privée et vie professionnelle, de reconnaissance, de valorisation, de perspectives de carrière et d’un certain niveau de salaire.
Face à ce constat, les RH observent un certain attentisme. Ils sont ainsi 73 % à s’abstenir de répondre à la question posée par la CCIP : “Avez-vous ou comptez-vous adapter vos pratiques RH à la génération Y ?”. Ce qu’il faut voir dans ce silence ? Pour les uns, il traduit une certaine attente de retours d’expériences, de bonnes pratiques, de recettes simples à appliquer dans son entreprise, pour fidéliser et manager cette génération. Pour d’autres, il n’est pas question d’adaptation, puisqu’ils estiment que cette génération n’existe pas.
Une population minime
« Vous listez les attentes de la génération Y vis-à-vis des managers, intervient une participante dans la salle. Mais j’ai exactement les mêmes ! Ce qui change, c’est la façon de les exprimer. » Christophe Sausse, DRH chez Parot, confirme : « Ce que l’on osait pas dire de façon claire à son manager il y a 10 ou 15 ans, on le fait aujourd’hui. » Là où la génération Y se distinguerait, c’est dans son caractère « beaucoup plus intransigeant, malgré la situation de l’emploi », ajoute Julien Pouget. Et encore… « On parle d’une population minime, nuance Laurent Choain, DRH chez Mazars. On parle de la partie de cette population qui a le choix, avec un certain niveau d’étude, dans des domaines bien spécifiques et en poste. » Christophe Sausse illustre : « Il n’est pas rare aujourd’hui de voir des ingénieurs nous demander de leur envoyer notre proposition d’embauche, pour qu’ils l’étudient. Mais dans le marketing, la communication ou le juridique, les candidats sont beaucoup plus en concurrence. »
La place du management intermédiaire
Reste que cette génération Y, porte bien son nom : “why” en anglais. Elle veut bien travailler, appliquer des décisions, mais elle souhaite comprendre pourquoi. La difficulté, en particulier pour le management intermédiaire, « c’est qu’il n’a pas toujours les réponses à ce pourquoi », note Christophe Sausse. « Ces managers d’employés se “prolétarisent” et sont écartés des centres de décision, reprend Laurent Choain. Cette situation pose la question de la place du management intermédiaire dans l’entreprise. » Pour y répondre, Parrot a mis en place de l’information descendante, de la direction vers les managers, pour qu’ils soient mieux armés pour répondre aux interrogations de leurs collaborateurs.
Nouvelle génération ou non, il existe un réel changement de paradigme, de positionnement, de comportements face à l’emploi, finalement toutes générations confondues. Un changement très certainement amené par la nouvelle génération, quel que soit son nom, mais qui concerne bien toutes les tranches d’âge dans l’entreprise.
Un positionnement différent
Les entreprises doivent donc adapter, au moins à minima, leurs pratiques. « Cette génération, c’est aussi une affaire de culture, appuie Laurent Choain. Elle a une façon différente de voir les choses. Il faut bien le comprendre, et sans essayer de poser là-dessus une échelle de valeur. » Christopher Lemoine, responsable communication chez Michel & Augustin, illustre : « Si elle n’est pas prête à gagner moins pour profiter de sa vie privée, en revanche, elle est prête à revenir travailler le samedi ou à travailler un autre soir plus tard, pour se libérer du temps. » Pour lui donner envie de rejoindre l’entreprise, « il faut faire acte de vente, non pas sur l’acte conventionnel, mais sur une lecture différente de votre positionnement et de l’aventure que vous proposez ; en veillant toujours à être conforme à la réalité », selon Laurent Choain.
Et si les whyers privilégient les relations humaines, « attention à ne pas tomber non plus dans le côté “famille” », prévient Christopher Lemoine. Il explique : « On porte un projet ensemble, on est proche, mais nous n’avons pas vocation à devenir une famille. »
Ne pas fidéliser à tout prix
Pour Christophe Sausse, l’intégration représente également un moment très important. Il commente : « En général on se souvient de la façon dont on a été accueilli. Chez Parrot, le moment clés du processus est une journée dédiée à l’intégration. Celle-ci commence toujours par une rencontre avec le PDG qui présente l’entreprise, ses valeurs, ses missions… »
Au-delà du processus d’intégration pour fidéliser les salariés, « l’entreprise doit identifier les souhaits de développement des salariés, que ce soit sur un point technique ou sur des compétences transversales (management, gestion de projets etc.) », selon le DRH de Parrot. Mais il ne faut pas non plus chercher à fidéliser à tout prix. Certains métiers comme l’audit sont ainsi, par nature, plus facilement voués au turnover ; « des métiers usants, prenants, qui demandent un gros potentiel, une grande réactivité intellectuelle », confirme Laurent Choain, qui conseille de s’attacher à « fidéliser les salariés, les potentiels, qui, demain, conduiront la destiné de l’entreprise ». Surtout, quelles que soient les évolutions qu’engage l’entreprise, elle doit le faire dans la mesure et au regard de son contexte qui lui est propre. Laurent Choain conclut : « Plus on grandit, plus la tentation de structuration et de process est grande. Mais qui a envie d’être aligné ? Dans des organisations comme les nôtres, le danger est de standardiser les métiers, les process et de perdre ce qui faisait la force de l’organisation. Mon rôle de RH, c’est de toujours ramener le balancier vers les personnes. »